Le projet Traille a été lancé fin 2019 afin de répondre à plusieurs enjeux.
Le premier est de revaloriser les laines du Sud-Ouest produites par l’élevage de brebis laitières. Les bêtes sont tondues au moins une fois par an mais aujourd’hui cette laine n’est pas utilisée comme elle devrait ou pourrait l’être. L’arrivée des matières synthétiques dans les années 70 a déjà affaibli l’attrait pour nos laines et la mondialisation du marché de la laine, qui laisse de côté les races « rustiques » au profit du Mérinos a accru cette tendance. Pour rappel, nos brebis doivent être tondues pour leur confort, ne sont pas élevées pour leur laine ou leur viande mais pour leur lait qui permet de faire du fromage (Ossau Iraty en ce qui concerne nos bergers).
Peu à peu, la France a perdu de nombreux savoir-faire indispensables à la transformation de sa laine : lavage, cardage, peignage, filage, tissage,… Toutes les étapes ont été affaiblies même si de nombreuses initiatives visent à redynamiser toute la chaîne de production et méritent d’être soutenues.
En attendant, la laine est trop souvent considérée comme un déchet. Rien qu’au niveau du Pays basque et du Béarn 2000 tonnes annuelles sont jetées, brûlées ou enfouies, et seule une très petite quantité est valorisée et trouve des débouchés. Cela impacte fortement les bergers pour qui la tonte représente un coût financier important. L’un des objectifs de Traille est de leur acheter la laine à un prix acceptable et d’œuvrer à la construction d’une filière bénéfique à tous.
En effet, la laine a de nombreuses propriétés naturelles : elle est thermo-régulante, isolante, antibactérienne, elle capte les odeurs, elle est hydrophobe mais aussi capable d’absorber un gros volume d’eau sans sensation d’humidité. En bref, elle a de nombreux atouts qui ne demandent qu’à être mis en avant. C’est ce que nous faisons.
Nous avons exploré toutes les étapes de production de fil en France fin 2019 et avons décidé de nous tourner vers un autre marché, plus porteur et innovant : celui de l’isolant pour le secteur textile. En effet il n’existe pas aujourd’hui de solution française pour concurrencer les garnissages « classiques » de vêtements (type parka) : les marques optent en majorité pour une ouate de polyester ou du duvet. Le secteur textile est exigeant dans son sourcing matière en terme techniques, de coût mais aussi de durabilité.
Afin de mettre au point des produits le plus qualitatifs possibles, nous avons procédé à des sondages auprès de marques et de designers. Une fois la pré-étude validée, nous avons réalisé un projet de recherche avec le CETI (centre européen des textiles innovants, basé à Tourcoing), supporté par la Région NA (subvention PTI).
En parallèle de cette démarche d’innovation et de recyclage de matière, nous souhaitons apporter des solutions à l’industrie de la mode, qui est en recherche de solutions de sourcing plus vertueux. En effet, cette industrie concentre 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre ce qui représente l’équivalent des émissions de la France, de l’Allemagne et de l’Angleterre réunies. La production des matières représente 38% de ces émissions.
Il faut donc trouver des solutions plus vertueuses, et vite.
Ainsi, les matières plus naturelles et/ou produites localement deviennent un véritable critère d’achat pour les consommateurs. Les grandes instances de régulation internationales poussent aussi en ce sens et les plus grandes marques ont pris des engagements forts sur le sujet (comme dans le Fashion Pact du G7 2019).
Il est cependant compliqué pour ces marques d’acheter des matières ayant assez de traçabilité pour garantir une production véritablement vertueuse. Ainsi le scandale du coton BCI (Better Cotton Initiative), révélé en 2017, a montré que la réalité de la filière ne correspondait pas du tout à ce qui était communiqué à leurs acheteurs et aux consommateurs.
Traille a vocation à fournir une totale transparence sur toute sa chaîne de production. L’objectif étant évidemment de fournir des matières ayant le plus faible impact carbone : produites le plus localement et naturellement possibles.