La French Tech Pays Basque a organisé début juillet une nouvelle conférence Mon innovation / Mon impact, autour, cette année, de la thématique de l’investissement à impact, un sujet qui intéresse grandement les entrepreneurs en recherche de financements. Retour sur cette soirée riche en échanges, animée par Fatima Gholem de Wise & Wired.
On parle de financement à impact lorsqu’un investisseur se réfère aux critères ESG pour évaluer le fonctionnement interne des entreprises dans lesquelles il investit. Les critères ESG sont des critères environnementaux (E), par exemple la gestion des déchets, l’empreinte carbone ou la consommation d’eau, sociaux (S), tels que les conditions de travail ou la parité au sein de l’entreprise et les critères de gouvernance (G), liés au risque de corruption, à la cybersécurité ou aux procédures légales. L’impact est l’intention des fondateurs d’une entreprise d’influer sur une chaine de valeur, leur capacité à démontrer une différence par rapport à ce qui existe déjà, leur volonté de transformer et leur capacité à mesurer cet impact de manière quantitative (définition rappelée par Newfund).
Quatre intervenants étaient présents à l’événement organisé le 2 juillet 2024 au On Spot à Bayonne : Maurice Oms de la Banque de France, Agathe Descamps de Newfund, Stéphanie Hillard de Demeter et Loïc Borda de KPMG. Tous là pour parler de financement à impact, de son développement grandissant et des critères fondamentaux retenus par les fonds d’investissements pour investir dans une société, dans cette perspective d’impact.
La Banque de France
Autre que son rôle de veiller à la qualité du crédit et de surveiller l’inflation, la Banque de France a aussi une activité de services et peut ainsi accompagner les start-ups dans leur recherche de solutions de financement. 1500 start-ups ont ainsi été accompagnées depuis 2020. La Banque de France peut ainsi faciliter la connexion à des structures pertinentes et sensibiliser les start-ups à l’importance des fonds propres. La structure a aussi un rôle de soutien des start-ups grâce à son réseau de correspondants et un rôle d’identification et de cotation de ces entreprises en tenant compte des spécificités de leur modèle de croissance ; 2200 start-ups ont ainsi été cotées depuis 2020.
En amont de leur publication officielle le 11 juillet 2024, Maurice Oms a dévoilé les chiffres du baromètre annuel de la situation financière des start-ups. Les entreprises retenues dans le cadre de cette étude sont celles ayant un chiffre d’affaires minimum de 750 000 € ou ayant levé plus de 3 000 000 €. 2295 start-ups ont été identifiées, avec une ancienneté de 11 ans en moyenne. Quelques chiffres clés de ce baromètre :
- Les montants levés par la Tech ont augmenté progressivement entre 2016 et 2022 (de 2,8 milliards d’euros en 2016 à 13,5 milliards en 2022, puis ont diminué en 2023 pour passer à 8,3 milliards d’euros. Le nombre d’opérations est tout de même resté relativement stable entre 2022 et 2023 passant de 735 à 715, avec un ticket d’entrée moins élevé.
- S’agissant de la situation financière des start-ups en 2023, par rapport à l’année précédente, le chiffre d’affaires a augmenté de 19 %, les capitaux propres de 9 %. La trésorerie a diminué de 1 %, les dettes bancaires ont augmenté de 5 %, les emprunts obligataires sont à + 41 % et les résultats d’exploitation sont stables.
- Quant à la situation financière des start-ups de Nouvelle-Aquitaine, on constate une croissance du chiffre d’affaires de 23 %, une augmentation des capitaux propres de 5 %, + 30 % de trésorerie, + 20 % de dettes bancaires, + 140 % d’emprunts obligataires et – 11 % de résultats d’exploitation.
- Autres chiffres clé pour la Nouvelle Aquitaine : 6ème région en nombre de start-ups, 517 millions d’euros de chiffre d’affaires cumulé, 3117 emplois directs, 4,9 millions d’euros de chiffre d’affaires moyen, 5 % de l’écosystème tech national, et trois secteurs phares (l’industrie, l’alimentation et la santé).
- Les secteurs d’activité les plus florissants sont celui de l’énergie/environnement plus de 4 milliards de chiffre d’affaires / + 27 % depuis 2022), du e-commerce/marketplace (près de 3,5 milliards d’euros / +13 %) et du software / data (près de 3,5 milliards d’euros / + 18 %). Une autre augmentation notable du chiffre d’affaires (+39 %) concerne le secteur des mobilités.
- Le nombre de redressements judiciaires par trimestre est détaillé dans le baromètre : 1 au premier trimestre 2023, 20 au deuxième trimestre, 21 au troisième, 34 au quatrième et 29 au premier trimestre 2024.
Le constat de l’étude, relayé par Maurice Oms : « Les tensions que l’on observe sur les marchés ne devraient pas se dissiper avant plusieurs trimestres. Par conséquent, les dirigeants devraient conserver une gestion pragmatique. »
Pour 2024, des tendances se dégagent déjà : des financements plus ciblés notamment à destination des greentech ou de l’IA générative (50 % des financements au premier semestre 2024), une accélération du développement pour atteindre le pivot de rentabilité et de nombreux programmes de soutien (notamment Tibi 2 avec 7 milliards d’euros pour les entreprises technologiques et French Tech 2030 pour financer l’innovation de rupture).
Newfund
Agathe Descamps de Newfund a rappelé les définitions de l’investissement à impact, des critères ESG et des objectifs de développement durable (ODD) et présenté plusieurs de leurs fonds à impact. Elle a rappelé qu’il faut toujours rentrer d’un l’un des ODD pour que Newfund décide d’investir via l’un de ses fonds à impact, et ce pendant toute la vie de l’entreprise. Pour rappel, les 17 ODD définis par l’ONU rentrent dans les catégories suivantes : biodiversité, bas-carbone et résilience, social, genre, gouvernance et économie durable et résiliente. Parmi les exemples cités de projets dans lesquels Newfund a investi, on note celui de PureNat, une société basée à Anglet, qui a développé un système durable de dépollution de l’air alternatif aux filtres au charbon actif.
Parmi les 7 fonds présentés, Newfund a un fonds dédié aux projets déployés aux États-Unis et un fonds dédié au Brain capital (HEKA).
Quel conseil pour les sociétés engagées cherchant à lever des fonds ? « D’aller viser les bons fonds, pose Agathe Descamps. Ce sont souvent les fonds à impact qui investissent dans les sociétés à impact. »
Demeter
Demeter est une société de gestion qui n’investit que dans les sociétés ayant une activité avec un impact environnemental, a précisé d’entrée Stéphanie Hillard de Demeter. « Nous avons un questionnaire ESG très conséquent et faisons un audit d’impact avant l’entrée au capital », a-t-elle expliqué. Chaque fonds a ainsi une grille d’analyse spécifique, sur la base de 11 indicateurs clés et une notation sur 4 niveaux. Ces 11 indicateurs sont les suivants :
- Impact de l’innovation sur la baisse d’utilisation de produits phytosanitaires
- Impact de l’innovation sur l’utilisation et la dispersion des engrais et effluents azotés de synthèse
- Impact de l’innovation sur la surexploitation ou la préservation d’espèces animales ou végétales
- Impact de l’innovation sur la disponibilité et la vivabilité des habitats naturels
- Impact de l’innovation sur l’extraction de métaux et la fabrication d’équipements électroniques ou métalliques Impact de l’innovation sur la diffusion ou le contrôle d’espèces invasives
- Impact de l’innovation sur la disponibilité en eau
- Impact de l’innovation sur la diminution des déchets et/ou du gaspillage alimentaire
- Impact de l’innovation sur l’émission ou la séquestration de gaz à effet de serre
- Impact de l’innovation sur la qualité de vie et la santé de l’exploitant et de ses salariés
- Impact de l’innovation sur la santé du consommateur final
Les 4 notes vont d’excellent à négatif.
Quel conseil donner aux dirigeants ? De demander le questionnaire ESG rapidement après signature de la lettre d’intention pour préparer en amont les données demandées (consommation d’eau, d’énergie, émission de GES, ratio femmes /hommes, écarts de salaires, arrêts maladies, accidents du travail, etc.), a souligné Stéphanie Hillard.
KPMG
Loïc Borda de KPMG a rappelé quelques chiffres clés de 2023 sur la finance à impact :
- 66 acteurs
- 14,8 milliards d’euros d’actifs sous gestion
- 143 véhicules d’investissement
- 11,8 milliards de ce capital investis dans des organisations à impact – 9000 organisations à impact social ou environnemental
- Investissement majoritairement dans des organisations à vocation sociale (62 % des véhicules)
Pour Loïc Borda, « nous faisons tous de la RSE. Il est ainsi important de matérialiser les actions collectives, sociales, environnementales et sociétales au sein de l’entreprise, de 2 à 4 objectifs de développement durables à partir des ODD de l’ONU, de définir des indicateurs simples, compréhensibles et justifiables et de faire participer des tiers à la construction de cette stratégie.